La production et les politiques économiques de l’Etat

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La production et les politiques économiques de l’Etat
Comme nous l’avons déjà vu plus haut, la Transylvanie était, en raison de sa situation géographique et de ses richesses naturelles, liée aux grands courants du commerce européen. Par suite de l’expansion, et surtout de la mutation de l’économie mondiale, le prix international des matières premières industrielles fournies par le sous-sol s’était considérablement accru. Le gouvernement d’Apafi réussit à préserver contre les attaques ottomanes les mines de sel, 370d’une richesse extraordinaire (qui avaient également éveillé, en 1528, l’attention des Fugger) et la régie du sel lui permit de payer sans problème le tribut annuel exigé par la Porte. La qualité exceptionnelle des mines de cuivre transylvaines avait déjà été appréciée par des experts suédois qui les avaient visitées quelques dizaines d’années plus tôt. A la fin du siècle, le gouvernement des Habsbourg se voyait contraint de solliciter des emprunts anglais et hollandais, et les mines de cuivre et de mercure de la Principauté furent, contre les crédits accordés, grevées d’hypothèques. Les mines de métaux précieux, qui étaient sur le point de s’épuiser, fournissaient encore assez d’or et d’argent pour les ateliers monétaires. Les mines d’Abrudbánya et de Zalatna, exploitées avec beaucoup de circonspection, assuraient ainsi des revenus non négligeables à l’Etat de Francois II Rákóczi.
Une des richesses particulières de la Principauté, l’énergie hydraulique produite par les nombreuses chutes d’eau sur les cours des rivières de Transylvanie, était déjà exploitée de diverses manières et avec beaucoup d’ingéniosité. Durant tout le demi-siècle qui nous intéresse, l’investissement le plus rentable fut la construction de moulins à eau. A côté des simples moulins broyant le grain, un grand nombre d’installations complexes voyaient également le jour. La découverte que c’étaient les roues à augets qui donnaient les meilleurs rendements, avait été mise à contribution depuis plusieurs générations en Transylvanie. Le voyageur turc Evlia Tchelebi parlait avec admiration des scieries transylvaines dont il avait vu plusieurs centaines à l’ouest du château d’Udvarhely. Des grands seigneurs d’esprit entreprenant et des bourgeois ambitieux se livrèrent pendant des dizaines d’années à une lutte acharnée pour la possession du grand moulin de Torda. Il ressort des descriptions techniques de l’époque que les technologies utilisées aux scieries de Görgényszentimre et de Huszt étaient déjà les mêmes qu’aux siècles suivants. On installa les machineries les plus diverses; les inventaires et recensements font état d’un grand nombre de moulins à huile, à mil, à grain, à poudre, à minerai et à foulon. Dans le domaine de l’extraction du fer, de la sidérurgie et de la forge, une meilleure mise à profit de l’énergie hydraulique, ailleurs largement utilisée, était entravée par des conditions climatiques peu favorables, et notamment par les hivers transylvains longs et durs.
Toutefois, comme en témoigne la loi communale de certains villages sicules, on était conscient de la valeur écologique des ruisseaux et rivières dont on prescrivait la protection contre la pollution par les industries artisanales, notamment par les tanneurs et les chanvriers.
Les trente années de guerre avaient causé des dégâts extrêment lourds pour les manufactures transylvaines. (Notons cependant que les besoins des armées avaient considérablement stimulé le développement de la métallurgie.) Les années de paix du règne d’Apafi favorisèrent le progrès dans tous les domaines. Par contre, la politique économique du gouvernement des Habsbourg, avec ses règlements douaniers, ses monopoles et sa centralisation rigide, et aussi par sa volonté de lier le droit d’exercer des activités industrielles au statut ethnique et religieux des individus, provoqua l’arrêt de l’évolution organique, arrêt qui fut suivi de régressions nettes dans de nombreux domaines. Plus tard, les projets de François II Rákóczi – qui reprit à son compte les conceptions d’Apafi en les ajustant aux réalités de son époque – ne purent apporter, faute de temps, d’autres fruits que quelques succès éphémères et locaux.
Les conditions du marché étaient sujettes à des variations extrêmes. Après í660, la Principauté perdit plusieurs débouchés de son industrie jusque-là 371florissante. Bien que le refoulement des Turcs fût accompagné de l’ouverture de nouveaux marchés sur les territoires reconquis, les produits de l’industrie beaucoup plus développée de l’Occident parvenaient plus facilement en Transylvanie. Vendue à bas prix, la bure des Balkans envahissait, à cette époque, les marchés transylvains. En même temps la demande en outils de fer, en bois de sciage, en vaisselle d’étain et de cuivre et en poteries, en objets de verre et de bois n’avait pas cessé de croître jusqu’à la fin de la période que nous considérons.
Les grands négociants transylvains de l’époque (dont les noms nous restent malheureusement inconnus), aussi bien qu’un certain nombre d’hommes politiques (János Péter, András Horváth, László Székely, István Apor, János Bethlen, puis Mihály Teleki et Miklós Bethlen) jouaient plus ou moins un rôle d’intermédiaire dans le commerce du Levant, accumulant ainsi des richesses parfois considérables. Suivant l’exemple de ses illustres prédécesseurs, le Prince Apafi appuyait le commerce et l’industrie; dans les années 1660-1670, toute entreprise bénéficiait de son soutien, si bien que les entrepreneurs devaient parfois même entrer dans l’administration. Attiré par des exemples étrangers et prenant en compte les besoins et les intérêts de la Transylvanie, Apafi se réclamait de la raison d’Etat pour encourager l’industrie et le commerce. Il ressort des ouvrages des historiens étrangers relatifs à cette période que l’Etat se réservait le droit d’intervenir de manière décisive dans les affaires industrielles et commerciales des pays européens. Bien que le caractère d’une politique mercantiliste sous le gouvernement princier et sous celui des Habsbourg reste encore à élucider, il est certain que l’évolution fut la même en Transylvanie que dans le Royaume de Hongrie: les industries les plus importantes, dues à l’initiative de quelques aristocrates et d’autres personnalités d’esprit entreprenant qui étaient sortis de l’obscurité grâce à leur sens économique, se concentraient plutôt à la campagne que dans les villes. Sous le règne d’Apafi, le Trésor de la Principauté fit de nombreux efforts pour promouvoir et organiser l’activité économique.
La production des mines de sel tripla entre 1660 et 1680. Cet essor stimula dans une large mesure le progrès des industries liées à l’extraction et au transport du sel, comme par exemple la métallurgie, la corderie, la fabrication de luminaires, l’industrie du cuir et du bois.
Les usines de l’extraction et de la métallurgie du fer avaient déjà été réunies. L’équipement hydrotechnique de la fonderie de Csíkmadaras n’avait rien à envier aux installations les plus modernes de l’Occident européen.
C’était la fonderie du comitat de Hunyad, munie d’une «forge allemande» et d’une «forge roumaine», qui donnait les meilleurs rendements de l’ensemble de la Principauté. Les mines de fer et les forges appartenaient au Trésor ou à des propriétaires terriens et étaient parfois données en bail. La maind’œuvre se faisait partout extrêmement rare. Les piqueurs travaillaient au rendement; les ouvriers aux connaissances professionnelles recevaient un salaire aussi dans les fonderies et les forges. Les transports, le chauffage ainsi que d’autres besognes auxiliaires étaient effectués par des serfs astreints à la corvée. Outre les plaques, barres et tiges de fer ou boulets de canons, ces fonderies fabriquaient également d’énormes quantités de fers à cheval, de clous et instruments.
L’extraction de fer et la fonderie de Torockó, le plus ancien site de l’industrie métallurgique transylvaine, jouissaient d’une structure d’organisation différente. Situé au nord-ouest du village de Torockó, ce territoire extrêmement riche en minerais de fer appartenait, à l’origine, à la communauté 372villageoise. Tout en étant des serfs, les habitants de Torockó bénéficiaient de grandes libertés par rapport aux serfs soumis au cens. Leurs libertés étaient assises sur les propriétés communales. Les «bourgeois» de Torockó étaient libres d’ouvrir des mines sur le territoire commun et d’en extraire des minerais, d’exploiter les forêts et l’énergie hydraulique des cours d’eau. La sidérurgie et la métallurgie y étaient pratiquées conformément à certaines règles et formules de la division du travail, mais en pratique, selon le système de l’enterprise privée. Dans les nombreuses fonderies de Torockó, les soufflets et les marteaux étaient actionnés par l’énergie hydraulique. Cependant, les seigneurs locaux finirent par prendre possession des terres et des forêts; privées des fourragères et du charbon de bois, la communauté villageoise se trouvait ainsi confrontée à d’insurmontables difficultés.
Il y avait, en Transylvanie, trois moulins à papier urbains, qui avaient tous été fondés avant 1660. Détruit par la guerre, le moulin à papier de Görgényszentimre fut, à l’initiative du Prince Apafi lui-même, reconstruit et agrandi. En dehors de la Cour princière, il approvisionnait en papier les imprimeries et les écoles transylvaines, cependant que le papier fin devait être importé de l’étranger.
Pour ce qui est des traditions de l’industrie du verre transylvaine, les verriers travaillaient, au début du XVIe siècle, surtout dans les corporations des villes saxonnes, comme Szeben et Brassé. Nous avons connaissance d’une corporation de verriers à Marosvásárhely depuis 1615. L’apparition d’une nouveauté de l’époque: l’atelier de verrerie est attesté pour la première fois par l’inventaire de 1632 du domaine de Fogaras. A l’époque examinée, c’est la verrerie de Porumbák qui fait un progrès remarquable. Les transports, la coupe du bois et le chauffage y étaient également assurés par des corvées, tandis que le travail «qualifié» était exécuté par des salariés. Cette officina vitraria fabriquait des bouteilles, des récipients en verre et des vitres. Les noms des outils et des procédés techniques étaient hongrois.
L’arrivée massive des Habans (anabaptistes «néo-chrétiens» réfugiés de Moravie) donna, dans les années 1660-1680, une nouvelle impulsion à l’artisanat transylvain. Protégés par le Prince Apafi, ils se distinguaient en premier lieu dans la céramique et la draperie, avant de se voir contraints, à la suite de l’avènement du gouvernement des Habsbourg, de quitter la Principauté.
La draperie transylvaine témoigne de la diffusion de la méthode Verlag. Le drapier d’Alvine bénéficiait de l’appui de la Cour princière qui le soutenait dans le transport de ses marchandises ainsi que dans l’acquisition des matières premières. Le célèbre drap de Brassó fut le plus recherché pendant toute la seconde moitié de XVIIe siècle. L’artisanat rural de la bure et des couvertures grossières était lui aussi florissant. La poterie et la lingerie se caractérisaient par l’étroite osmose de l’artisanat paysan et de l’artisanat urbain, tandis que, sur certaines propriétés terriennes nobiliaires, on observait la même tendance à lier l’industrie à l’agriculture, ce qui constituera plus tard une base de progrès.
Quant aux corporations traditionnelles, la célèbre orfèvrerie transylvaine continuait, malgré les fortes variations de la commande, à fabriquer des objets d’une grande qualité. Ses liens commerciaux avec l’Occident se relâchèrent vers la fin du siècle, alors que l’industrie de l’étain et du cuivre connaissaient un spectaculaire essor. Bien que confrontées aux besoins de la construction – et en particulier des nombreuses reconstructions –, l’industrie du bois et la maçonnerie ne dépassaient guère les cadres traditionnels.
L’agriculture de la Transylvanie – dont le territoire est au trois quarts 373couvert de hautes montagnes et de collines – se caractérisait alors par la primauté de l’élevage, malgré un intérêt croissant pour la culture des céréales. La culture maraîchère tendait à s’imposer sur les terres fertiles des bassins et des vallées des cours d’eau. Au pied et sur les versants ensoleillés des montagnes, on trouvait partout des pâturages, des vignobles et des vergers. Les forêts faisaient vivre des milliers de Transylvains.
Les lois communales des villages sicules témoignent que les forêts étaient l’objet d’une protection consciente et que, même au moment du grand essor de l’industrie du bois, leur équilibre était préservé au prix de lourdes sanctions – autant d’exemples d’une attitude écologique collective manifestée avant l’heure.
La plupart des terres appartenait à la couronne, à l’aristocratie, aux nobles, aux Eglises et aux villes. Après une croissance relative survenue au début de notre période, la superficie des propriétés foncières possédées par des roturiers tendait à se rétrécir.
Les seigneurs terriens, comme auparavant, exploitaient essentiellement des domaines petits et moyens. Les grandes propriétés indivisées de plusieurs milliers d’acres qui venaient de se former dans le Royaume ne virent pas le jour en Transylvanie, bien que les principaux dignitaires de l’Etat se soient efforcés d’avoir leurs propriétés autour des domaines princiers. Les domaines privés du Prince et les domaines du Trésor étaient administrés séparément. Ces derniers constituaient des propriétés importantes et homogènes dont la gestion fut assurée par un groupe de régisseurs compétents et entreprenants surveillés par l’épouse du Prince, Anna Bornemissza.
Les manoirs à terrasse en bois et les châteaux des seigneurs se trouvaient au milieu de propriétés de petites ou moyennes dimensions, avec, éventuellement, quelques fermes. Souvent, les domaines seigneuriaux et les lopins paysans faisaient partie d’un même système d’assolement. Le type d’exploitation rurale caractéristique de la noblesse moyenne hongroise du Royaume était complètement absent en Transylvanie, où abondaient, par contre, les seigneuries minuscules qui avaient seulement un petit nombre de familles de serfs.
Les réserves seigneuriales étaient mises en valeur essentiellement par des serfs astreints à la corvée, dont beaucoup possédaient des chevaux ou des bœufs et vivaient ainsi dans une aisance relative.
En Transylvanie, l’exploitation allodiale ne se développait pas au même degré que dans le Royaume. Les cultures introduites sur les réserves étaient déterminées par la qualité du sol, les condition climatiques et la demande. La pénurie de main-d’œuvre fut constante pendant toute la période étudiée. Les seigneurs s’employaient à maintenir les serfs dans leur dépendance personnelle (et non dans un attachement à leurs terres), et accueillaient volontiers tous ceux qui voulaient s’établir sur leurs terres. La culture des céréales occupait la plus grande partie des terres de la réserve, alors que le mil cédait la place au maïs, nouvellement «implanté». Le lin et le chanvre étaient l’objet de grands soins, de même que le tabac, lui aussi cultivé depuis peu. Les châteaux et manoirs seigneuriaux, aussi bien que les manses serviles, étaient souvent entourés de vergers et de cultures maraîchères, tandis que les ruchers et les étangs situés à proximité d’un grand nombre de villes contribuaient à la variété du repas transylvain. Les régions viticoles traditionnelles – la vallée du Küküllő et les environs des villes de Beszterce et Nagyenyed – conservaient encore solidement leurs positions, malgré l’extension rapide et générale de la culture de la vigne. Quant aux vins de Transylvanie, ils étaient de qualité fort diverse.
374L’élevage constituait un élément important de l’exploitation allodiale. Les célèbres haras princiers consacraient la réputation des éleveurs de chevaux transylvains. Quant à l’élevage des bovins et des moutons, remarquons que, malgré les lourdes épreuves de ces cinq décennies, on parvenait à produire assez de lait, de beurre, de laine ainsi qu’une grande quantité de fromage (y compris des fromages blancs aigres) non seulement pour l’approvisionnement de la population, mais aussi pour les marchés extérieurs.
Or, la plus grande partie des produits agricoles venait des tenures serviles et des exploitations de diverses communautés privilégiées, qui s’adonnaient en premier lieu à la culture du froment et de l’avoine. La Transylvanie, qui avait perdu, en 1660, ses riches plaines céréalières, réussissait néanmoins à produire une quantité suffisante de pain pour ses habitants aussi bien que pour les soldats des armées étrangères venues libérer le pays.
L’échange avec l’étranger était fonction de la modification des routes commerciales et de la menace de l’isolement économique de la Transylvanie. Des rivalités parfois très âpres opposaient les uns aux autres: aristocrates, serfs, soldats et marchands professionnels qui, en outre, se sentaient souvent lésés dans leurs intérêts par la politique économique des différents régimes qui se succédaient.
Tous les grands seigneurs transylvains ou presque font alors du commerce. Le chancelier János Bethlen fait acheter des bovins pour les vendre au marché de Vienne; le premier conseiller Mihály Teleki s’enrichit considérablement du commerce du sel, du vin et des chevaux; les vins de Transylvanie sont exportés en Valachie par István Apor, en Moldavie par Pál Béldi. Tout en gardant ses positions jusqu’aux dernières années du XVIIe siècle, ce commerce d’aristocrates devait faire face à de nouvelles forces très puissantes. Les compagnies de commerce dites «grecques», qui comptaient également dans leurs rangs des bourgeois hongrois et saxons – notamment la Compania Graeca de Szeben et celle, à participation anglaise, de Brassó –, les marchands autrichiens et les commis de la Compania Orientales (où les Habsbourg euxmêmes avaient des intérêts) s’employaient obstinément à les évincer. Les aristocrates hongrois tentèrent de protéger leurs intérêts en créant eux aussi, avec le concours d’un certain nombre de bourgeois, des compagnies de commerce.
La politique commerciale d’Apafi se caractérisait par deux orientations, à première vue contradictoires. En accordant des privilèges et des monopoles partiels, le Prince tentait à avoir la haute main sur le trafic des articles les plus importants. Dans le même temps, il cherchait également à assouplir la rigidité de ce système monopolisateur en consentant des affermages, des exemptions, des concessions, des prêts ainsi que d’autres mesures susceptibles de stimuler le commerce intérieur. Les registres douaniers de ces trois décennies témoignent du progrès continu des échanges: on ressuscite les célèbres foires anciennes, les droits de douane perçus ne cessent d’augmenter, les taxes sur la vente du sel font chaque année affluer davantage d’argent au trésor princier. Servant d’intermédiaire à la compagnie anglaise du Levant, la Compania Graeca se lie à plusieurs maisons commerciales des Balkans et devient l’entreprise la plus riche en capitaux de toute la Transylvanie. Elle soutient le pouvoir princier par des prêts et des transactions diverses et une politique commerciale plus souple, la protégeant également contre la redoutable concurrence des négociants viennois. L’un des hommes d’affaires les plus entreprenants de son époque, János Pater, président de la Compania Graeca de Brassó, obtient, en 1671, le droit exclusif sur une partie du commerce du sel.
375L’installation du régime habsbourgeois bouleverse profondément l’ensemble du commerce de la Principauté. La cour de Vienne ferme les mines de mercure de Zalatna qui jusque-là concurrençaient celle du Tyrol. Une compagnie de commerce formée d’aristocrates de Vienne reçoit le privilège exclusif du commerce des bovins. (En 1695, une compagnie semblable locale fondée par des grands seigneurs transylvains n’est pas autorisée par le gouvernement.) Le monopole du commerce du sel est adjugé à la Palatino-Transylvanica Societas, fondée avec les capitaux du Viennois Samuel Oppenheimer sous les auspices du palatin Pál Esterházy. En 1701, les Habsbourg s’approprient également les mines de sel du jeune Michel II Apafi emprisonné à Vienne. Le prix du sel quintuple, ce qui paralyse immédiatement le commerce local. Le règlement douanier de 1702, qui coupe la Principauté de ses débouchés traditionnels, sème le marasme sur de nombreux marchés urbains et industriels. Ne tenant aucun compte des conditions locales, cette politique économique élaborée par des doctrinaires caméralistes de la cour de Vienne perturbe également la circulation des monnaies.
Dans les dernières années du XVIIe siècle, les Transylvains finissent par protester unanimement contre les mesures du gouvernement qui signifient leur éviction de tout commerce, arguant qu’ainsi ils n’ont pas les moyens de gagner l’argent indispensable aux affaires et au paiement de l’impôt. Les sources de l’époque s’accordent pour affirmer que si la Transylvanie est devenue un pays pauvre, c’est parce qu’on a privé ses habitants du droit de commercer. Et en parlant des causes de la guerre d’indépendance conduite par François II Rákóczi, les contemporains ne cessent d’affirmer qu’on avait pris les armes aussi parce que le profit du commerce servait des intérêts étrangers.
L’étude de la politique financière du Prince Michel Ier Apafi révèle que, dans ce domaine, l’Etat n’avait pas été inactif, même durant les années de guerre. Quoique le stock d’or et d’argent eût été presque entièrement absorbé par la guerre turco-transylvaine de 1657-1662, le gouvernement d’Apafi réussit néanmoins à recréer la stabilité monétaire, voire à redresser peu ou prou l’équilibre financier, grâce à l’interdiction de l’exportation des métaux précieux, à la frappe régulière des monnaies, au contrôle du change par des commissaires princiers et aux peines draconiennes infligées aux fauxmonnayeurs. L’arrivée, probablement par le biais des compagnies de commerce, d’une importante quantité de monnaies hollandaises (dites «écus à lion») contribua pour beaucoup, dans les années 1660-1680, à la revitalisation du commerce. Après 1687, les frais des guerres turques et de l’hivernage des armées étrangères firent cependant considérablement diminuer le stock monétaire de la Principauté, alors qu’une politique économique viennoise consistant à limiter le commerce, empêchait le Trésor de se renflouer. Les monnaies de substitution (pièces de cuivre et de cuir, acquits, etc.) introduites par Léopold le’, au lieu de remédier à la pénurie monétaire, ne firent qu’aggraver la crise qui aboutit, entre 1690 et 1703, à la paralysie générale du système fiscal.
Les charges fiscales de la population transylvaine comprenaient divers impôts. Le montant du tribut annuel que le pays devait verser à la Porte s’élevait déjà, à cette époque, à 40 000 florins par an, auquel s’ajoutaient encore des impôts extraordinaires ainsi que des livraisons de vivres en temps de guerre. Compte tenu également des redevances de tributs «héritées», la Transylvanie versa au Sultan, entre 1664 et 1686, un total d’environ igo à 200 000 florins. Après 1687, les impôts turcs furent relayés par les frais de l’entretien de l’armée impériale, dont le montant fut l’objet de longues controverses; le 378traité de Balázsfalva prévoyait la perception de près de 2 millions de florins, dans lesquels on comptait aussi les ravages causés par le passage des gens de guerre, comme les pertes dues au gaspillage. (Certes, il était difficile de déterminer la valeur réelle des semailles piétinées, des champs de blé incendiés, des gerbes de blé non battues données aux animaux comme fourrage, des moulins détruits et des arbres fruitiers abattus pour servir de bois de chauffage.) Aux impôts impériaux s’ajoutait encore la discretio, c’est-à-dire les cadeaux «offerts N au gouverneur militaire, à ses officiers et aux collecteurs d’impôts, qui pouvaient être, outre l’argent, de beaux chevaux, une carosse ou d’autres choses de valeur en fonction des désirs de l’officier. Cela servait moins à le gratifier pour son travail qu’à obtenir certains avantages ou un meilleur traitement pour la communauté: comitat, ville ou village. Il s’agissait en réalité de «pourboires a, de pots-de-vin qui, sous leur forme régulière, devinrent une tradition.
L’effondrement complet, à la suite de l’occupation de la Principauté par 8 à 10 000 soldats impériaux, des structures politiques de la Transylvanie avait pour corollaire l’arbitraire fiscal. Les exigences de la soldatesque échappant à tout contrôle, ignorant l’endurance de la population et recourant volontiers aux armes pour percevoir les impôts, exaspérèrent les Transylvains qui se réfugièrent en masse sur les territoires repris sur les Turcs du Royaume de Hongrie, ou prirent les armes et réclamèrent un changement de régime, préparant ainsi la guerre d’indépendance que déclenchera François II Rákóczi.
Voyons maintenant dans quelle mesure la population était capable d’entretenir son Etat. Les habitants de ce petit pays – nous l’avons vu – pouvaient supporter les frais du relèvement politique intérieur, de l’effort diplomatique ainsi que des guerres sous Etienne Báthori et Gabriel Bethlen. Or, à l’époque d’Apafi, le budget d’Etat s’était accru dans tous les pays européens.
Dans la Transylvanie des années 1660, les dépenses des organes centraux de l’Etat et celles de la famille princière étaient comptées séparément. Les premières comprenaient les frais d’entretien de la Cour, de l’armée princière, de la représentation, et étaient de l’ordre de 7 à 8 000 florins par an. Les secondes se chiffraient à environ 4 à 5 000 florins par an; ainsi le siège princier absorbait chaque année 12 à 14 000 forints en moyenne. De plus, les dépenses de l’administration, les traitements et gratifications accordés aux fonctionnaires constituaient également des sommes importantes dont le montant serait difficile à calculer, d’autant que ceux-là recevaient une partie non négligeable de leurs rétributions sous forme d’allocations en nature. Dans les années 1670, la petite Principauté était même en mesure de fournir régulièrement des subsides et des vivres à l’armée de 8 à 10 000 «fugitifs», réfugiés du Royaume derrière la frontière transylvaine.
Après l’occupation de la Transylvanie, l’impôt fixé par le gouvernement des Habsbourg comprenait le versement annuel de 800 000 à 1 million de florins rhénans et le ravitaillement des 8 à 10000 soldats de l’armée impériale. Répartie entre les villes et les campagnes, cette charge, d’une lourdeur sans précédent dans toute l’histoire de la Transylvanie, s’avéra partout au-dessus de toute possibilité de paiement. Si Apafi avait réussi, dans les années les plus critiques de son règne, à amener la noblesse à payer une partie des charges publiques et à consentir des prêts à la Cour, allégeant ainsi le fardeau des contribuables roturiers, les tentatives dans le même sens des Habsbourg avortèrent toutes, surtout parce que la création des monopoles entraîna une pénurie monétaire générale dans le pays.
379Dans la première année de la guerre d’indépendance, François II Rákóczi fit introduire, dans le Royaume et en Transylvanie, une monnaie de substitution, appelée libertas, en cuivre, voulant ainsi parer à la disette monétaire et aux séquelles du marasme économique. Cependant ses projets destinés à stimuler le commerce ne purent, faute de temps, porter leurs fruits. Les profits qui provenaient des monopoles partiels ne pouvaient refluer dans les circuits de l’économie transylvaine. Pendant de longues années, les Transylvains durent entretenir deux armées et deux administrations. Le gouvernement impérial se replia sur la ville de Szeben et l’armée des Habsbourg ne cessa, pendant toute la guerre, d’occuper le Sud de la Principauté, tandis que la plus grande partie du pays resta, avec quelques interruptions, sous la domination de l’armée et de l’Etat de François II Rákóczi. Soumise à cette double imposition, la population était à bout de forces. Pour réanimer l’économie transylvaine, Rákóczi projetait des réformes visant à lier la Principauté au Royaume. La loi fiscale, adoptée à la Diète d’Ónod, en 1707, institua un impôt régulier sur le revenu, payé par tous, y compris les nobles, et seules les familles des hommes enrôlés dans l’armée étaient exemptées de toute charge publique. La liberté du commerce, de l’industrie et de l’exploitation des mines développée sous la protection des pouvoirs publics auraient dû constituer les bases de la fiscalité. Mais Rákóczi fut défait avant l’amorce même de ces réformes.

 

 

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