Le nouvel Etat

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Le nouvel Etat
Depuis la bataille de Mohács jusqu’à la mort d’Etienne Báthori, 60 années exactement se sont écoulées. L’ancienne Hongrie s’est entre-temps divisée en trois parties: la partie médiane a été rattachée à l’Empire ottoman et, à l’ouest et au nord, c’est-à-dire dans la Hongrie «royale», règnent des rois issus de la famille Habsbourg. La définition des territoires de l’Est n’est plus aussi aisée. Jean Ier était «roi de Hongrie», Isabelle «reine de Hongrie», leur fils Jean II «roi élu de Hongrie» (electus rex Hungariae). Le titre de prince n’existait pas jusqu’à 1570, le nom de «Transylvanie» n’était utilisé qu’officieusement, seulement pour pouvoir faire la différence entre les deux «Hongries». Il est vrai que les Habsbourg, se fondant sur leur propre couronnement puis, en se référant aux traités de Várad, de Gyalu et de Nyírbátor ne reconnaissaient pas la royauté des Szapolyai; les Polonais, les Français et les Turcs, eux, la reconnaissaient. (Les autres puissances européennes oscillaient en fonction de leurs rapports avec l’Empire). L’opinion hongroise comblait cette lacune – en donnant au pays par avance le nom de Transylvanie – et laissait habilement dans le vague le titre d’Isabelle (le latin «regina» pouvant être aussi bien reine souveraine, qu’épouse du roi), tandis que Jean II était appelé, selon le terme courant à Prague et à Pozsony, comme a fils du roi Jean».
Cette situation juridique confuse est résolue par le traité de Spire qui crée le titre de prince de Transylvanie. Avec la mort prématurée de Jean II (qui n’a été appelé Jean-Sigismond qu’ultérieurement, par les historiens pro-Habsbourgeois), disparaît de la scène politique cette dynastie qui portait d’abord le titre royal, puis un titre princier. Quand Etienne Báthori est élu, il s’en remet à la pratique traditionnelle de l’ancienne Hongrie: il choisit le titre de «voïvode» que portaient les anciens gouverneurs de province, à cette différence près qu’auparavant, les voïvodes étaient des administrateurs nommés, tandis que lui a été élu par la Diète. Báthori, soucieux de conserver l’indépendance relative de son Etat, ne pouvait certes indéfiniment maintenir ce titre ambigu. Ce qu’il ne pouvait faire en tant qu’un des aristocrates de son pays devenu souverain avec un titre incertain, il put le faire en tant que roi souverain de Pologne: non seulement il reprit le titre de «prince de Transylvanie» du dernier Szapolyai, mais il réussit à le rendre héréditaire et à le faire reconnaître internationalement.
De même que le pays et le souverain eurent des difficultés à se trouver un titre et un blason, l’organisation du pouvoir dans le nouveau pays en rencontra également. A la Diète du Royaume de Hongrie, la noblesse hongroise était, jusqu’en 1526, représentée soit individuellement, soit par des délégués des comitats. Les comitats de Transylvanie, par contre, choisissaient ensemble une délégation de quelques membres et les Saxons envoyaient eux aussi leurs délégués. (Nous n’avons pas de données concernant la présence des Sicules). Les affaires intérieures de la province étaient réglées dans le cadre des assemblées (nommées également («diètes») des trois «nations».
Logiquement, à l’époque de Jean Ier, ce système fonctionnait de façon identique. La première Diète hongroise où les Transylvains (y compris les Sicules) étaient admis comme égaux fut celle convoquée à Debrecen par le 258moine György, le 18 octobre 1541. Pratique qui, pour le moment, ne se poursuivait pas, les comitats de Hongrie et les Transylvains devant se réunir séparément jusqu’en 1544. A cette date, en effet, les délégués des comitats de la région de la Tisza participaient à l’assemblée des trois «nations» réunie à Torda au mois d’août, en tant que quatrième membre de plein droit. Désormais, dans le Royaume de l’Est, puis dans la Principauté, le rôle de la Diète hongroise sera tenu par l’ancienne assemblée provinciale agrandie. Les anciens comitats de la mère patrie reçoivent une dénomination d’ensemble les «Partium regni Hungariae» deviennent tout simplement «Partium» (Parties).
L’ancienne Diète hongroise (dont un autre successeur légitime continua à fonctionner dans la partie du pays administrée par les Habsbourg) était devenue, au début du XVIe siècle, une institution représentant avec efficacité les intérêts des Ordres. Il était impossible, sans son consentement, de créer de nouveaux impôts ou de promulguer de nouvelles lois, et elle réussit même à exercer un certain contrôle sur le gouvernement royal. Les diètes de Transylvanie purent en principe conserver toutes ces prérogatives mais, en réalité, leur importance pratique ne cessa de diminuer. Pourtant, en comparaison des années précédentes, elles étaient assez fréquemment convoquées jusqu’à quatre ou cinq fois par an. Leur composition, par contre, fut modifiée: après 1545, les Hongrois des Parties et de Transylvanie, les Sicules, les Saxons et, enfin, certaines villes étaient représentés par un nombre de délégués variable. Le petit groupe de dignitaires du gouvernement princier (conseillers, officiers) et le groupe plus important des seigneurs de haute naissance, dits «régalistes», nominalement invités par le prince-roi, jouissaient de davantage d’autorité que les délégués. Le groupe des «régalistes» devait, théoriquement, comprendre les plus grands propriétaires terriens, mais, dans la pratique, le souverain n’y invitait que ses intimes.
A partir de 1556, on ne suivit plus la tradition de convoquer la Diète sur l’initiative des Ordres. Seul le souverain avait pouvoir de la réunir et c’était lui qui fixait l’ordre du jour; ses propositions étaient en général acceptées sans réserves, tandis que celles des Ordres, qui portaient généralement sur des questions locales, pouvaient être observées ou non.
Les affaires étrangères et de guerre, les finances (exception faite du droit de proposer des impôts) étaient et restaient du ressort exclusif du souverain. Les «libertés» des Ordres se confinaient dans la seule administration locale (des comitats et des «sièges» sicules ou saxons), mais même là, leur influence réelle ne cessait de diminuer.
C’était seulement dans des cas exceptionnels que la Diète poussait l’audace jusqu’à contrarier la volonté du souverain, par exemple lorsque, le désaccord s’étant accru entre Isabelle et le moine György, on ne savait plus qui tenait les rênes du pouvoir, ou encore pendant la sédition Bekes, lorsque Báthori se trouvait en difficulté et que la Diète voulut – en vain d’ailleurs – obtenir du «voïvode» ce qu’il avait promis lors de son élection.
Le renforcement du pouvoir central n’allait pas de pair avec l’amélioration de l’administration d’Etat. L’appareil d’Etat que Jean let avait mis en place à Buda sur le modèle d’avant 1526 s’effondra dans le désordre de 1540-1541. Même les instances comprenant un personnel restreint et fonctionnant auprès des voïvodes de Transylvanie périclitèrent et ce, malgré l’activité déployée, dès avant 1526, par Jean Szapolyai afin de les rendre plus efficaces.
Pour parer à cette situation désastreuse, le moine György, qui «cumulait les fonctions», inventa une chancellerie toute particulière. C’était cet office qui 259était compétent dans toutes les affaires gouvernementales, depuis les questions financières, diplomatiques et militaires, ou l’attribution des domaines, jusqu’à l’application du droit. Ce système plutôt lourd était inapte aux tâches multiples et, dans les dernières années du pouvoir du moine György, il fallut réorganiser la petite chancellerie (Cancellaria minor) qui était chargée des affaires de droit. Son chef, le prothonotarius qui, au temps du moine György, n’était que le second de ce dernier, en tant que «juge principal» devint, après 1556, le premier magistrat du pays. Plus tard, cette fonction sera simultanément remplie par deux personnes.
Après les changements de 1556, Mihály Csáky fut le premier chancelier de la chancellerie «majeure» (il le resta jusqu’en 1571). On désigna également un trésorier mais, pour le contrôle des finances, il devait collaborer avec le percepteur-général ainsi qu’avec le fermier-général de la dîme, qui faisait déjà partie des recettes d’Etat. Les chefs de l’armée (les commandants de Nagyvárad, Déva, Kővár et Huszt comptaient parmi les plus importants) étaient eux aussi nommés par le souverain qui distribuait également selon son bon vouloir les charges de comes des comitats, ainsi que celles de chefs sicules. Seuls les Saxons avaient, bien ou mal, réussi à préserver leur ancienne autonomie …
L’administration d’Etat, malgré une centralisation poussée, était restée plutôt archaïque (la Hongrie médiévale avait déjà connu des institutions bien mieux structurées et beaucoup plus efficaces) et ses dirigeants détenteurs du pouvoir – à l’exception du chancelier – étaient en réalité des administrateurs de rang subalterne qui ne pouvaient intervenir dans des affaires de l’Etat. Même le chancelier et ses collaborateurs étaient dépourvus des attributions nécessaires à l’exercice d’un gouvernement efficace: les décisions des souverains étaient davantage exécutées que préparées. Le meilleur exemple en la matière est la pratique suivie par Báthori. A la direction de la chancellerie de Gyulafehérvár, se trouvaient des personnalités fort capables (Ferenc Forgách, Imre Sulyok, puis Farkas Kovacsóczy), mais le roi Etienne les tenait à l’écart des affaires importantes du pays, qu’il préférait gérer par l’intermédiaire de sa «chancellerie de Cracovie», dirigée par Márton Berzeviczy.
Au reste, les dignitaires importants étaient automatiquement membres du Conseil royal/princier. Cette ancienne institution avait été, avant 1526, en pleine mutation. Les membres en étaient pour une part élus par la Diète, mais il y avait également les bureaucrates professionnels de la cour royale (secrétaires) qui exerçaient un contrôle comme fonctionnaires responsables à la fois envers les Ordres et envers l’administration. Cependant, Jean Ier revint au Conseil ancien, composé de hauts dignitaires et d’aristocrates. Il est vrai qu’en 1542 les trois «nations» tentèrent d’instituer un conseil élu de 22 personnes près d’Isabelle (et surtout près du moine György), mais elles n’y parvinrent pas. Isabelle, puis Jean II, choisirent leurs conseillers selon leur bon plaisir, supprimant ainsi tout contrôle des Ordres.
A observer les personnalités considérées comme dirigeants du pays, on notera une évolution fort intéressante. Au temps du vieux roi Jean, c’étaient les aristocrates, maîtres de régions entières qui tenaient le haut du pavé. Au temps du moine György, le nombre d’aristocrates locaux diminua puis, à partir des années 1560, ils disparurent de la scène. Il y en eut plusieurs (par exemple: Menyhért Balassa et la famille Perényi) qui firent défection et, fait d’un étrange hasard, les plus grandes familles s’éteignirent les unes après les autres (les Drágffy, les Patócsy). Les grands seigneurs de la Transylvanie proprement dite (les Kendi, les Maylád) n’avaient que des domaines plus 260modestes. Ces notables «traditionnels» devaient partager le pouvoir avec des («étrangers», des non-Transylvains (parfois même des non-Hongrois) liés à la Cour. Tout d’abord avec les gens de confiance de Jean Ier, puis avec leurs descendants, tel le Dalmate Antal Verancsics, ou Orbán Batthyány, noble venu de Transdanubie. Quand, avec le temps, leur nombre diminue, tout comme celui des grands seigneurs, ils sont remplacés par les «hommes nouveaux», clients des souverains: Mihály Csáky, petit noble devenu chancelier; le commandant de Várad, Tamás Varkocs, de Silésie; Kristóf Hagymásy, lui aussi petit noble, capitaine de Huszt; Gáspár Bekes, d’origine prétendument roumaine mais venant de la région de Temes; ou bien les Polonais venus avec la suite d’Isabelle: Stanisław Niezowski et Stanisław Ligęza, ou encore le médecin personnel de la reine, l’Italien Giorgio Biandrata, et ainsi de suite. A l’époque de Báthori, la seule différence est que, parmi les gens les plus influents de la Cour, on compte, surtout à la chancellerie, plusieurs anciens étudiants de Padoue: le chef de la chancellerie de Cracovie aux affaires transylvaines, Márton Berzeviczy, né en Haute-Hongrie, ses deux adjoints, Farkas Kovacsóczy de Slavonie et Pál Gyulay, paysan anobli, puis l’aristocrate réfugié de Hongrie, Ferenc Forgách, ancien évêque de Várad, devenu chancelier de Gyulafehérvár (poste dans lequel il sera remplacé par Kovacsóczy).
Le développement de la société hongroise d’avant Mohács était sans aucun doute caractérisé par l’épanouissement des Ordres. Dans les régions orientales, ce processus s’interrompt après 1526 et on assiste, dans la future principauté de Transylvanie, au rétablissement de l’autorité du pouvoir royal. Cette évolution n’est pas seulement perceptible à la réduction du cercle de gens qui prennent part aux décisions et à la simplification de la structure du pouvoir mais elle se traduit aussi dans les manifestations de plus en plus évidentes du despotisme royal/princier. Au temps de Mathias Hunyadi ou des Jagellon, il était rare en Hongrie de faire exécuter des membres de l’élite politique et cette tradition était observée de «l’autre côté» également, sous le gouvernement des Habsbourg. Par contre, la reine Isabelle – nous l’avons vu – faisait tout simplement assassiner les aristocrates qu’elle considérait comme les plus dangereux, tandis que la Diète prononçait à leur encontre une condamnation à mort posthume. Il en va de même des exécutions ordonnées par István Báthori après la bataille de Kerelőszentpál: les Ordres, à cette occasion, n’avaient même pas eu à se déclarer, l’apparence de la légalité ayant été donnée par la participation du prothonotarius à la sentence.
Le renforcement du pouvoir du souverain est également dû au fait que la Cour dispose désormais de davantage de moyens. Les bases en furent jetées par le moine György, essentiellement grâce à l’augmentation des domaines fiscaux. Dans la deuxième moitié du XVIe siècle, les domaines du Trésor couvraient 700 villages, soit 15 à 20% du territoire du pays. Les principaux centres des domaines étaient: Gyulafehérvár, Déva, Várad, Fogaras, Kővár, Görgény, Kolozsmonostor, Szamosújvár, Gyula, Jenő, Lugos, Karánsebes, Székelybánja, Huszt, Törcsvár. S’y ajoutèrent par la suite les immenses domaines des Báthori. Même si nous ne pouvons évaluer leur revenu en argent, il est certain que le gouvernement de la principauté pouvait, grâce à ces biens, exercer un contrôle direct sur la majeure partie du pays.
En s’appuyant sur cette énorme masse de domaines, il était aisé de renflouer le Trésor. Dans le dernier tiers du XVIe siècle, l’Etat transylvain s’assurait les entrées suivantes:
261Impôt de 24 000 portae* transylvaines
Unité d’imposition correspondant environ à deux ou trois familles.
60 000 florins
17 000 portae* du Partium
Unité d’imposition correspondant environ à deux ou trois familles.
40 000 florins
Cens de la fête de St-Martin des Saxons
8 500 florins
Impôt extraordinaire des Saxons
25 000 florins
Impôt des Sicules
25 000 florins
Impôt des villes
15 000 florins
Revenus des mines de sel
30 000 florins
Douanes
15 000 florins
Change de l’or
5 000 florins
Affermage des dîmes
15 000 florins
La somme totale, en comptant les revenus des domaines royaux et des domaines privés du Prince, atteignait vraisemblablement une somme de l’ordre de 300 000 florins or annuels. Même en tenant compte de la forte dévaluation de la monnaie au XV Ie siècle, c’est là – si on se souvient qu’avant 1526 le revenu royal, pour l’ensemble de la Hongrie, était de 200 000 florins or annuels – une somme importante. De toutes façons, il y avait de quoi financer les dépenses militaires qui allaient augmentant d’année en année. Il est vrai que nous ne pouvons considérer comme corps mercenaire bien armé que la garde princière qui ne comptait que peu d’hommes – 1 à 2 000 – mais déjà l’entretien ou le renforcement des châteaux frontaliers nécessitaient des impôts supplémentaires. Il fallait également payer le tribut aux Turcs (10 000, puis 15 000 florins), le traitement des fonctionnaires (chancelier, juges (prothonotorii), commandant-général, conseillers) ainsi que les dépenses, plutôt modestes jusqu’à la mort de Báthori, de la Cour.
Pourquoi, dans le nouvel Etat, les Ordres se montraient-ils d’emblée affaiblis par rapport à ceux de l’ancienne Hongrie?
La première raison en est d’ordre politique. La principauté transylvaine, qui se forma petit à petit, ne se constituait pas par sa propre force mais sur la poussée du pouvoir turc. Sans l’intervention, en 1529, des Turcs, la partie du pays dominée par les Szapolyai n’aurait jamais vu le jour; sans leur intervention (très brutale) en 1541, ce fragment du pays n’aurait pu se maintenir et, sans les campagnes militaires de 1552-1556, il ne se serait pas réorganisé. Le roi Jean, le moine György, puis leurs successeurs, acceptèrent cette alliance car, selon leur propre expérience, il était impossible de protéger la partie orientale du pays face aux Turcs. Cependant, leur décision, née dans la contrainte, cachait peur et contrariété. Chaque fois que les Ordres estimaient la réunification possible ou que l’amélioration momentanée de la situation européenne changeait quelque peu ce délicat équilibre, ils tentaient immédiatement de faire la paix avec «l’autre Hongrie», celle des Habsbourg et ils se montraient aussitôt prêts à trahir leur tout puissant «patron» de Constantinople.
Au reste, la sincérité n’était pas non plus la principale vertu des Turcs. L’essentiel de leur politique transylvaine consistait à empêcher la réunification des deux Hongries. Tant que les chefs du nouveau pays se gardaient de s’engager dans cette voie, les Turcs leur laissaient une grande liberté: dès qu’il en allait autrement, ils punissaient immédiatement et cruellement la «trahison», c’est-à-dire qu’ils étendaient les territoires conquis: telles étaient, par exemple, la conquête de Buda en 1541 et la prise de Temesköz en 1552. Quand les rapports de force leur étaient plus favorables, ils passaient alors de la tutelle 262de «bonne foi» aux exigences: la seule différence entre la fin des années 1540 et le début des années 1570 était qu’à cette dernière époque, ils ne revendiquèrent pas seulement les plus importants châteaux forts des confins, mais augmentèrent aussi le tribut ainsi que le montant des «cadeaux» et même – nous l’avons vu –, ce fut à cette dernière occasion qu’apparurent, pour la première fois à Constantinople, les «prétendants au trône». La servitude de la Valachie et de la Moldavie était le sort promis à la Transylvanie qui devrait, tout comme les deux autres, se voir tôt ou tard intégrée à l’Empire.
Il est donc naturel que cette alliance, qui manquait de sincérité des deux côtés et qui avait créé l’Etat indépendant de Transylvanie, ne put que difficilement se constituer une base sociale dans ce nouveau pays. C’était la résistance entêtée des Ordres qui avait provoqué, en 1540-41 puis en 1551-1556, les tentatives de réunification. Dans les deux cas, elles avaient avorté et la situation, au-delà de son aspect tragique, s’était pourtant montrée, de deux points de vue, plutôt profitable. D’abord ces tentatives pouvaient être considérées comme des avertissements aux Turcs: la Hongrie des Habsbourg signifiait, pour la Hongrie orientale, un arrière-pays qui, si elle était trop brutalement oppressée, pouvait l’aider contre la Porte et ainsi remettre en question son état de soumission. C’est la raison pour laquelle, même les exigences turques des années 1570 font preuve de mesure et d’autocontrôle, surtout si on les compare au traitement brutal infligé aux principautés roumaines. D’autre part, ces échecs laissent entrevoir aux Ordres du futur Etat transylvain ce qui suit: que cela plaise ou non, il faut accepter l’alliance avec les Turcs. Cette grave constatation faite par feu Jean Ier est d’abord reconnue par la noblesse du Partium directement menacée dans son existence et seulement plus tard par les seigneurs des comitats de Transylvanie.
C’est parmi les Saxons, qui étaient économiquement et sentimentalement fort attachés à l’Occident et aux provinces allemandes d’Autriche, que la tension a le plus longtemps persisté, bien que leurs intellectuels (du réformateur Johannes Honterus jusqu’au poète Christian Schaeseus) aient tenté d’harmoniser leur ancienne conscience de «Hungarus» avec le nouveau sentiment d’identité allemande. Quand les deux autres «nations» (et les Parties) ont rappelé la reine Isabelle, le peuple, à Szeben, s’est littéralement révolté et a même tué le juge du roi, Johannes Roth, traité de «lâche». L’ordre n’a pu être rétabli qu’à grand peine par le réaliste Peter Haller qui n’a pu que difficilement faire accepter Isabelle.
La voie à suivre était claire, mais le résultat ne pouvait être valable car il y avait trop de peur, de contrainte et d’arrière-pensée à sa naissance. Les souverains de Transylvanie et les Ordres au nom desquels le pouvoir était exercé se cramponnaient au principe de leur appartenance à la Hongrie. Leur politique, y compris celle d’Etienne Báthori, était essentiellement hongroise, c’est-à-dire intéressant toute la Hongrie, et ne se conformait pas spécifiquement aux intérêts de la Transylvanie. L’histoire du pays sous domination turque est une répétition perpétuelle (jusqu’en 1690!) du même scénario: des tentatives de réunification du pays, leurs inévitables échecs, les représailles turques puis, finalement, le rétablissement de la situation initiale.
La deuxième raison de la diminution de l’importance des Ordres relève plutôt du domaine social. Il est vrai que les trois «nations», depuis plus d’un siècle (depuis 1437), avaient pris l’habitude de coopérer dans la province, mais les différences, voire les contradictions qui existaient entre elles n’avaient pas perdu de leur actualité. Pendant longtemps, elles se montrèrent incapables de penser à l’échelle «transylvaine». La première tentative de portée provinciale 263fut celui d’István Maylád entre 1539-1541. Il est plus caractéristique de cette partie du pays qu’une fois l’unification déclarée en 1551, les Sicules, les Saxons et les Hongrois se mettent tout de même chacun de leur côté en contact avec la cour de Ferdinand Ier, et payent séparément leurs impôts et contributions de guerre. L’antagonisme Saxon-Hongrois éclate fréquemment, que ce soit l’Empereur, le roi ou le prince qui règne en Transylvanie. Les Sicules s’attirent l’animosité du pouvoir et des deux autres «nations» par leurs trop fréquentes révoltes, tandis que la noblesse des Parties se trouve longtemps en dehors de la fiction légale des trois «nations». Non seulement la pratique et le cadre institutionnel étaient trop rudimentaires pour faire une politique concertée, mais les intérêts n’étaient pas non plus identiques: le Hongrois noble plein de fierté, le Saxon à la mentalité bourgeoise et le Sicule vivant en paysan libre avaient chacun une conception différente de la liberté.
Le troisième facteur explique encore mieux la situation: les Ordres, qui rivalisaient entre eux, étaient faibles en eux-mêmes.

 

 

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